Cheminement académique

Marie-Josée Jean est auteure, commissaire d'exposition, directrice artistique de VOX, centre de l'image contemporaine, en plus d'être professeure. Ses recherches portent sur les théories et les pratiques de l'art actuel, de l'image et de l'exposition. Elle a réalisé un doctorat à l'Université McGill portant sur L'exposition comme pratique réflexive : une histoire alternative des expositions d'artistes. Cette recherche a jeté un éclairage nouveau sur l'exposition d'abord, en repositionnant les artistes au fondement de son histoire puis, en démontrant comment elle s'est transformée ¿ dès le moment où elle a été considérée comme un problème esthétique et conceptuel significatif ¿, en un méta-médium de leur démarche artistique. Cette manière de pratiquer l'exposition, l'auteure l'a désignée par le terme de « méta-exposition », en référence à une méthodologie qui repose sur une relation de commentaires critiques à son endroit. Les artistes se donnent alors pour projet de réfléchir l'exposition, de la mettre en question, de la redéfinir et même d'en renverser les codes pour ainsi l'inscrire dans leur processus artistique. Elle a localisé les origines de la méta-exposition à Varsovie, en 1966, autour d'un groupe d'artistes de la galerie Foksal (dont Tadeusz Kantor, Jaroslaw Kozlowski, Edward Krasinski et Maria Stangret) qui ont, les premiers, étudié l'exposition comme une véritable question épistémologique. Elle a ensuite identifié une seconde occurrence, cette fois en 1994, à Lüneburg en Allemagne, où se sont réunis des artistes associés à la critique institutionnelle (dont Andrea Fraser, Renée Green, Fred Wilson) dans le cadre d'un groupe de discussion et d'une exposition à propos de la production de projets artistiques à l'ère de l'économie de services. La dernière occurrence a examiné la reconstitution d'expositions historiques par un artiste anonyme, évoluant dans les Balkans au cours des années 1980, et dont les différentes réalisations ont contribué à l'écriture d'une histoire de l'art alternative.

Depuis le milieu des années 1990, elle a organisé plus d'une centaine d'expositions, lesquelles lui ont valu en 2013 le Prix de la Fondation Hnatyshyn soulignant l'excellence de sa pratique curatoriale. Toutes ces réalisations l'ont amenée à collaborer avec de nombreux artistes et institutions du Canada et de l'étranger. Premières expositions individuelles à Montréal de James Benning, Maria Eichhorn, Omer Fast, David Maljkovic, Ján Mankuska, Jonathan Monk, N.E. Thing Co. et VALIE EXPORT; présentation des ¿uvres phares de John Baldessari, de Samuel Beckett, de Marcel Duchamp et de Jan Zvankmajer ; travail de valorisation d¿artistes québécois établis tels Sorel Cohen, Raymond Gervais, Angela Grauerholz, Jacqueline Hoàng Nguy¿n, Skawennati, Serge Tousignant, Irene F. Whittome. Elle a conçu des expositions spécifiques pour le Musée national des beaux-arts du Québec, le Casino Luxembourg ¿ Forum d'art contemporain, le Neuer Berliner Kunstverein en Allemagne, le Centre d'art Santa Monica de Barcelone ainsi que pour la Villa Arson, Centre national d'art contemporain de Nice. Elle a aussi eu la chance de travailler avec de nombreux commissaires d'exposition de renom dont Sabeth Buchman, Barbara Clausen, Sabine Folie, Marie Fraser, Nicole Gingras, Vit Havranek, Ilse Lafer, Véronique Leblanc et Constanze Ruhm. Elle a été chargée de la direction artistique du Mois de la Photo à Montréal (aujourd'hui MOMENTA ¿ Biennale de l'image), qui s'est méritée, en 1999, une distinction en arts visuels de la Communauté urbaine de Montréal pour son excellence.

Depuis 2016, elle dirige Créer à rebours vers l'exposition, un vaste projet de recherche sur l'histoire, le devenir et la documentation des expositions du Québec. Ce projet a mené à la réactivation de huit expositions historiques remarquables bien que parfois négligées par l'histoire de l'art et il a également permis de constituer les archives souvent inexistantes des cas étudiés. L'une de ses plus récentes expérimentations muséologiques est la manifestation Period Rooms qui a présenté les interventions spécifiques de sept artistes contemporains dans les intérieurs d'époque du Château Dufresne, du Château Ramezay, de l'Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal, de la demeure de sir George-Étienne Cartier, de la Fondation Guido Molinari en plus d'une intervention artistique à VOX qui, empruntant la forme de la « period room », a reconstitué deux expositions organisées en 1947 par les artistes automatistes.

Projets de recherche et/ou de recherche-création en cours

• Parmi les images les plus analysées de l'histoire, il y a ce film amateur de 26 secondes et de 477 photogrammes montrant l'assassinat de John F. Kennedy, réalisé le 22 novembre 1963 par Abraham Zapruder, devenu le témoin le plus célèbre de ce drame par l'intermédiaire de sa caméra Super 8. Ce film amateur a été élevé au rang de témoin historique non seulement en raison des images traumatisantes qu'il exposait, mais aussi parce qu'il a amorcé une refonte en profondeur des régimes de visibilité. Il constitue même un point de basculement dans l'histoire des images si on considère que, jusqu'à ce jour, il suffisait de voir pour savoir car « la vérité apparaissait dans l'image même ». Or, depuis ce jour de 1963, toutes les composantes du plan-séquence ont été soumises à des examens rigoureux et scientifiques, incluant l'analyse de la suite logique de ses photogrammes, sans négliger les examens croisés avec d'autres sources. Le hors-champ de ce film a même été reconstitué par injection de nouvelles images de sorte qu'on a pu l'analyser sous toutes les coutures manquantes et permettant de reproduire, comme dans un psychodrame, le fil des événements. En même temps, cette manière de travailler l'image pour en augmenter les données est à la base d'une production artistique et vidéographique prolifique. L'émergence et la prolifération des médias open source, l'utilisation généralisée des téléphones intelligents et l'accès aux données de géolocalisation; l'usage de logiciels ou autres technologies de la criminalistique; la modélisation numérique, la photogrammétrie ou le radar à pénétration de sol offrent aujourd'hui des moyens encore plus efficaces pour mener des enquêtes visuelles. Cette armada technologique sophistiquée permet par ailleurs de localiser et de synchroniser les matériaux sources dans l'espace et le temps. Les artistes se sont emparés de ces outils technologiques pour mener des investigations à propos des violations des droits de l'homme ou encore pour apporter leur appui à des causes de justice sociale ou environnementale. Ce projet repose sur le développement d'un programme d'expositions monographiques, d'une programmation Web ainsi que de la production d'une nouvelle ¿uvre vidéo (financé par le Conseil des arts et des lettres du Québec et VOX).

Partenaires (organismes, entreprises)

• Direction artistique, VOX, centre de l'image contemporaine
• Comité artistique, Fondation Guido Molinari
• Comité Action politique, Regroupement des centres d'artistes du Québec
• Présidente, Collectif d'éditeurs en art contemporain (CÉAC)